09/06/2015

Du nouveau sur Paris

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Un frisson semble agiter la bordure sud-est de Paris Rive Gauche. Cosignées par les agences Hamonic et Masson et Comte et Vollenweider, deux hautes tours, revêtues de reflets mordorés, pointent depuis peu leur silhouette déhanchée au-dessus de l'inflexible rectitude de l'avenue de France dans le 13e arrondissement, axe majeur de la plus vaste opération d’aménagement de la capitale depuis les travaux du célèbre baron Haussmann durant la seconde moitié du XIXe siècle. Large de 40 mètres, longue de 1 750 mètres, mais prolongée au nord-ouest, côté gare d'Austerlitz, par l'avenue Pierre-Mendès-France, la nouvelle grande avenue, ouverte intégralement à la circulation depuis 2012, ne nous avait pas habitués à pareille fraîcheur.

Les façades de cette longue faille urbaine parallèle au cours de la Seine, qui ouvre en son cœur sur la vaste esplanade de la Bibliothèque nationale de France (BNF), offre pour l'heure au piéton un alignement de façades glacées tiré au cordeau que ponctuent quelques mastodontes institutionnels : Réseau Ferré de France, Accenture, Banque Populaire Rives de Paris, Caisse nationale des caisses d'épargne, ministère chargé des sports… et des commerces du même gabarit. Peu d’originalité, donc, et autant de logements. Qu'un semblant de fantaisie vienne contrarier ce que les architectes Gaëlle Hamonic et Jean-Christophe Masson nomment la « rigidité formelle » de l'avenue de France était pour le moins bienvenu.

« Superposer des maisons »

Travaillé comme un bâtiment unique, le projet Home – c'est son nom – concilie un double univers d'habitation. Les deux tours, respectivement de 16 et 13 étages, qui constituent l'ensemble se partagent entre logements sociaux et en accession. D'un côté, une tour feuilletée dont le pourtour de chaque étage déploie des balcons filants aux dimensions variables, filtrés en partie par des écrans vitrés orangés ; de l'autre, une tour en gradins dont la torsion offre à chaque niveau une ouverture à la lumière et, accessoirement, limite avec bonheur le sentiment de vertige pour ceux des futurs résidents qui y sont sensibles. Ces particularités constructives servies par de généreux volumes habitables donnent, en outre, un réel caractère d'unicité à chacun des 188 logements du programme éligible à la loi pinel immobilier. Dans un même esprit, sur le site Villiot-Râpée, dans le 12e arrondissement, Hamonic et Masson avaient déjà voulu, disent-ils, « superposer des maisons ».

La singularité de Home ne tient pas seulement à sa physionomie formelle. Plutôt que de dissocier l'accès à ces deux programmes de logements directement depuis la rue, avec le risque d'une distinction ségrégative, les architectes ont choisi d'implanter une double entrée commune, de part et d'autre de l'arrière du bâtiment, qui ensuite distribue séparément l'une et l'autre des cages d'ascenseurs. On déplorera seulement que les commerces qui seront implantés à terme au rez-de-chaussée soient, comme partout ailleurs dans le secteur Paris Rive Gauche, réservés aux seules grandes surfaces.

 

Diversité sociale

Situé place Farhat-Hached, une parcelle stratégique très ouverte sur le panorama urbain alentour, le projet Home est le premier immeuble d’habitation haut de 50 mètres construit à Paris depuis les années 1970. L'époque avait notamment vu naître le quartier des olympiades tout proche, repérable grâce à ses longues barres et surtout à ses huit tours de 104 mètres et de 36 étages posées en surplomb d'anciennes emprises ferroviaires. N’en déplaise aux légitimes contempteurs des grands ensembles, la dalle, devenue le lieu de vie et d'activité d'une importante communauté d'origine asiatique, mais pas seulement, déploie une intense et plutôt heureuse diversité sociale.

Le projet Home a pu voir le jour grâce à une décision du Conseil de Paris, en novembre 2011, permettant de réviser le règlement d’urbanisme pour le secteur Masséna-Bruneseau conçu par l’Atelier Lion Associés, à la jonction entre les limites de Paris et d'Ivry-sur-Seine. Ce « déplafonnement » (la hauteur maximale autorisée à Paris est généralement de 37 mètres) va permettre à la ville d’y construire non seulement des tours d’habitation de 50 mètres, mais aussi des immeubles de bureaux pouvant s'élever jusqu’à 180 mètres.
Acceptation de la hauteur à Paris

Dans quelques mois, au même endroit, tout aussi haute que le projet Home, la tour M6B2, dite « tour de la biodiversité », réalisée par l'architecte Edouard François, va définitivement faire surgir de terre ses touffes végétales. En attendant qu’au printemps 2016, débutent les travaux de la tour Duo, signée par Jean Nouvel, dont le plus haut élément doit culminer à 180 mètres. L’enquête publique préalable à la délivrance de son permis de construire s’achève le 20 mars. Déjà, les opposants fourbissent leurs armes.

Samedi 7 mars à l'école d'architecture Paris-Val de Seine, elle aussi voisine, l’association Monts14 organise une réunion publique concernant « ses impacts fâcheux sur le grand paysage ». Comme pour la tour Triangle dans le 15e arrondissement, l'acceptation de la hauteur à Paris risque d'encore connaître ses limites.

N'hésitez pas à lire l'article du monde sur ce projet : http://www.lemonde.fr/architecture/article/2015/03/05/architecture-paris-prend-de-la-hauteur_4588224_1809550.html

 

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